Parcours, Ambitions pour la Guinée, ses conseils aux jeunes…. Axcel Keïta, champion du monde de boxe, dit tout

Après 22 ans de carrière et de nombreuses ceintures glanées çà et là, le double champion du monde de boxe thaïlandaise, notre compatriote Mamoudou Axcel Keïta, est actuellement en Guinée où il souhaite présenter le dernier trophée qu’il a récemment conquis. Vainqueur dans plusieurs catégories de son sport, il souhaite profiter de sa venue dans son pays natal pour faire un combat afin de faire découvrir la boxe thaïlandaise au public. Dans une interview accordée à un reporter de Guineematin.com lundi dernier, 03 avril 2023, ce colosse né en 1984 à Macenta (sud de la Guinée) avec plus 95 kg, mesurant 1m90, a parlé de sa carrière, de ses attentes vis-à-vis des autorités guinéennes, des projets qu’il a pour son pays…

Mamoudou Axcel Keïta, de nationalité guinéenne et hollandaise, a disputé 108 combats pour 72 victoires (dont 44 par KO), 31 défaites et 5 matchs nuls. Il a un palmarès impressionnant : 2007, champion de la Hollande ; 2008, champion de Benelux ; 2009, champion d’Europe WFCA ; 2010, champion d’Europe WFCA ; 2015, vice-champion du monde YPENBURG mi-lourd ; 2018, champion du monde ISKA mi-lourd ; 2020, champion de monde ISKA poids lourd ; 2021, champion intercontinental ISKA ; et 2022, champion intercontinental ISKA.

Guineematin.com : Depuis quand êtes-vous boxeur professionnel et qu’avez-vous gagné ?

Mamoudou Axel Keïta : En 2007, j’ai commencé les combats professionnels mais bien avant ça, il y a des étapes : il faut faire les combats amateurs, semi-professionnels et puis professionnels. Donc, en 22 ans de carrière, j’ai tout ce qu’on peut avoir comme trophées en tant que boxeur, sauf la médaille olympique (la discipline n’était pas olympique), sinon j’ai tout le reste, je suis champion de la Hollande, champion des pays de Benelux, je suis champion d’Europe deux fois, champion du monde deux fois, champion intercontinental deux fois. Ce qui fait que je suis l’un des sportifs africains le plus titré, en Guinée sûrement dans l’histoire du sport guinéen. Que je reste méconnu encore pour le grand public, c’est parce que l’État ne s’est jamais impliqué. Jusqu’à présent, j’ai eu peu besoin d’eux pour ma carrière parce que seulement je ne vivais pas en Guinée.

Guineematin.com : Quelles sont les raisons de votre présence en Guinée ?

Mamoudou Axcel Keïta, boxeur professionnel

Mamoudou Axcel Keïta : Je suis venu en Guinée pour présenter mes différents trophées aux autorités, en leur annonçant que j’aimerais faire un combat ici. Je suis le seul sportif guinéen qui n’a jamais demandé un centime à l’État, qui fait son combat au nom de la Guinée. Toutes mes ceintures ne sont pas monétisées parce que la Guinée n’était pas fédérée, donc j’avais les primes de matchs, mais je n’avais pas la sommes ceinture. J’ai continué quand même à combattre pour la Guinée en perdant de l’argent au lieu d’en gagner. Mais pour moi, cette sensation patriotique, rien ne peut l’égarer chez moi. Les autres boxeurs boxent au nom du pays où ils sont naturalisés, après ils viennent présenter les ceintures. Mais pour moi, ça n’a pas été comme ça, j’ai combattu au nom de la Guinée. Ça m’est même arrivé dans d’autres pays où on doit chercher l’hymne national beaucoup de fois, le drapeau ; maintenant avec internet, les trucs sont devenus plus faciles, sinon à l’époque, ils m’ont même laissé chanter une fois l’hymne national. Je pense que j’étais même le premier branding avec le drapeau guinéen. Donc, que je reste inconnu par une grande partie de la Guinée, c’est parce que je n’ai jamais eu l’implication de l’État. La communauté sportive sait bien que j’existe mais je fais mes combats, je les tiens au courant, je gagne mes combats, je me fais inviter en payant mon billet d’avion. Arrivé ici, je paye mon hôtel, je me bats encore pour leur présenter ma ceinture. Ça a toujours été le cas, sauf la dernière fois, je l’ai présenté au colonel Mamadi Doumbouya, c’était la seule fois où je me suis senti guinéen et que ça en valait la peine de combattre encore pour ce pays. C’était la première fois que je suis accueilli en Guinée comme un champion (…). Donc, mon plan cette fois-ci en Guinée est que je suis venu présenter ma dernière ceinture que j’ai eu le 18 décembre passé au championnat international en défendant bien-sûr ma ceinture. Je suis venu encore présenter ça au président de la transition, son excellence Colonel Mamadi Doumbouya, et à son gouvernement. J’ai gardé même l’exclusivité pour lui parce que la dernière fois l’accueil était de taille. J’ai été présenté à l’autorité sportive, son excellence M. le ministre des sports, Béa m’avait accueilli, l’accueil était aussi de taille.

Guineematin.com : Qu’est-ce que vous attendez des autorités guinéennes ?

Mamoudou Axcel Keïta : Moi Mamoudou, je ne demande seulement que la reconnaissance, c’est la moindre des choses. Mais au niveau étatique, il y a eu quand même ça depuis l’arrivée de ces nouvelles autorités.

Guineematin.com : Que comptez-vous apporter à la Guinée en plus des nombreuses ceintures que vous avez déjà gagnées ?

Mamoudou Axcel Keïta : Après mon dernier combat, je verrai comment je vais partager mon expérience, c’est arrogant de le dire, mais il n’y a aucun guinéen qui sait faire ça comme moi. La preuve en est que je l’ai prouvé partout que je sais faire ça. J’ai des projets dans ce sens parce que depuis peu de temps, on a une fédération en Guinée présidée par Souleymane Sidibé, et je suis allé m’entraîner chez lui la dernière fois, j’ai vu les athlètes, j’ai vu la motivation, mais l’infrastructure n’était pas. Ils n’ont même pas se place, leur gym était surpeuplée, il y avait deux, trois catégories qui s’entraînaient ensemble. En fait, ce sport est devenu si grandiose que maintenant il est devenu une discipline olympique. Si j’ai pu être champion en tant que guinéen, à chaque centimètre, on peut trouver un champion en Guinée, il suffit seulement de le découvrir et de le former, vous en avez un. Donc, il faut vraiment soutenir Souleymane et son groupe. Je vais voir de mon côté comment je vais donner coup de main pour mettre une structure dans la chose, et avoir quelques clubs parce qu’il faut des compétitions pour avoir des athlètes au niveau national et international. Il faut d’abord des infrastructures, des matériaux et une structure (…). Mon premier rêve reste toujours, ce n’était pas de gagner des ceintures, mais de venir faire un combat ici devant ma mère, c’est le cas jusqu’à présent. Donc, je demande l’aide de tout le monde parce que pour construire un château, il faut que chacun mette une pierre à l’édifice. Donc, mon rêve est encore de faire combat ici en Guinée, devant mes fans, ma famille, mes amis surtout pour l’État (…). Après le combat, j’ai envie de mettre un pied en Guinée. Je veux créer une société de sécurité en Guinée et former comme je l’ai eu en Belgique. J’ai donné la self-défense à la police à Dubaï, je peux voir comment travailler avec le gouvernement s’il y a moyen. J’ai ma propre marque de matériels de sport, j’ai aussi la même marque d’aliments sportifs que je vends (des protéines, des créatinines). Avec la même marque j’ai une structure événementielle dans différents sports confondus, j’ai quasiment beaucoup de choses à faire après carrière. À part ça, je veux commencer à écrire des livres autobiographiques, des techniques, de mon expérience. Je sais aussi beaucoup de choses sur la bouffe, comment manger pour se maintenir en bonne santé. Donc, je vais faire de la gastronomie aussi. J’ai beaucoup de projets à faire, je crains même de ne pas vivre longtemps pour les faire tous. En Europe, j’aurais pu vivre là-bas, j’ai ma femme et mes enfants, j’allais passer une très bonne vie, mais comme il a été toujours dit : « les grands hommes se sacrifient pour le bien-être des autres ». Donc, c’est ce sacrifice que je suis en train de faire.

Guineematin.com : Quels conseils pouvez-vous donner aux jeunes guinéens ?

Mamoudou Axcel Keïta : Il ne faut pas qu’on nous fasse croire que pour réussir il faut sortir de la Guinée, ce n’est pas vrai. D’autres te diront que nous on n’a pas eu la chance, tout le monde a une chance. Il faut réfléchir, tout est possible. En Europe, partout j’ai été au monde, on m’a dit que l’avenir du monde c’est l’Afrique. Et quand tu viens en Afrique, tout le monde veut aller là-bas (en occident), le cordonnier veut aller, le footballeur veut aller, le tisserand veut aller, le pêcheur veut aller. Je ne comprends pas. La Guinée, pour moi, comme je connais la Guinée par rapport à d’autres pays de l’Afrique, est l’un des pays où il est plus facile de s’en sortir. Parce que tu n’es pas taxé sur tes revenus à moins que tu commences à gagner beaucoup, c’est ici seulement tu peux aller manger chez les autres, aller dormir chez les gens comme ça, tu peux demander de l’aide à quelqu’un. Donc, quand il y a tout ça, il est très facile de vivre. L’argent n’est pas contrôlé, il est très facile de s’en sortir ici. Cet aspect, la jeunesse ne doit pas oublier cela. Et de deux, d’autres te diront qu’ils n’ont pas eu la chance, je ne crois pas trop à la chance. Tu t’entraînes plus que tout le monde, tu seras meilleur par rapport à tout le monde, tu étudies plus que tout le monde, en matière d’études, tu seras en avance par rapport aux autres. Donc, il ne faut pas attendre l’argent pour investir, si tu sais gagner de l’argent il faut continuer à faire ça pour gagner mieux. Donc, ce sont les projets qui font de l’argent. Mon dernier conseil pour la jeunesse guinéenne, n’attend pas que le gouvernement, je n’ai pas dit de ne pas compter sur le gouvernement, on peut compter sur le gouvernement bien-sûr, mais quand tu as un projet, bats-toi pour tes projets, ne compte pas sur les gens. Toutes les aides qui viennent, vois ça comme un cadeau de Dieu et continue à œuvrer pour ton rêve, n’attends pas les autres. Si quelqu’un te rend heureux, le jour où il voudra te rendre malheureux, il le fera facilement. Bats-toi pour tes rêves !

Entretien réalisé par Mamadou Yahya Petel Diallo pour Guineematin.com